Sans réponse, Hulotte réfléchit. Comment son idole aura-t-il perçu cette poésie, car il l’a reçue télépathiquement en ces temps de restrictions, elle en est convaincue.

Lui, le mystérieux, le pudique, l’intellectuel sûrement, sera-t-il touché, intéressé, séduit ou bien fera-t-il fi de tout ce qu’il pourrait considérer comme un étalage insignifiant, grotesque?.

Depuis deux jours et deux nuits elle ne dort pas. Monsieur et Madame Granduc ont remarqué son changement d’humeur. Elle est maussade, n’a plus d’appétit, ne voit plus la mouche qui la défie, ne regarde même plus la rue, son passe-temps favori.Elle est devenue indifférente à leurs caresses et les évite de plus en plus souvent.

Quelle solitude! Car, pendant tout ce temps, elle cogite inlassablement. Que faire??

Ce poème l’a, c’est certain, désopilé et elle se sent tellement petite, tellement médiocre, tellement piètre…Elle y a pourtant mis toute son envie, tout son désir, toute sa ferveur, toute sa passion.

Elle ne voit donc qu’une solution : en réécrire un, plus fort, plus proche de ce dont il peut rêver. Elle ira feuilleter dans la bibliothèque de ses maîtres. Elle est sûre d’y trouver des livres concernant les chats et notamment les matous et leurs attentes amoureuses. L’espoir revient avec une certaine appréhension malgré tout.

C’est la nuit, quand les ronflements se répondent, qu’elle entreprend ses recherches. Au plus bas des piles, elle croise le regard d’un superbe chartreux annonçant « Contes et légendes sur les chats ». Quelle chance! Elle n’aura pas à escalader toutes les étagères et évitera ainsi  des questionnements en cas de maladresse. 

Elle se plonge alors avec volupté dans la lecture et, parmi toutes ces légendes qu’elle dévore, il en est une qui retient particulièrement son attention et qui lui inspire une nouvelle poésie.

Avec retenue mais ferveur, et avec un tel espoir de rétablir un équilibre elle lui dédiera, sous ce titre:

Sonnet pour un chat

Je ne sais ni ta voix, ni ne connais ton nom.
J’ai vu ton poil soyeux, ta robe protectrice,
Tes yeux démesurés dont la nuit est complice.
Ton sanctuaire est situé au creux de ta maison.

Pourtant, dans le royaume de la déesse Freya
Qui laisse guider son char par ses deux chats sublimes,
Ressentant pour chacun une fierté légitime,
J’y retrouve ton port, je te retrouve là.

J’ai vu que certains soirs, quand Séléné, là-haut
Allume le ciel sombre de son précieux flambeau,
Un attelage voisin, friand de crépuscule

L’accompagne, fidèle, et sans compétition
En regardant la terre avec admiration.
Je te prénomme alors, je t’appelle Fregull.

Écrit par Bambou

Suite => Épisode 14
 
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Un commentaire

  1. cette pauvre petite chatte ne se laisse pas abattre. quelle belle leçon de vie

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