Lorsque le chat revient de sa promenade, sa maîtresse l’empoigne énergiquement et le trempe immédiatement dans l’eau chaude de la baignoire. Chat échaudé craint l’eau chaude, même s’il n’est pas échaudé. Malgré ses miaulements de désespoir, ses coups de griffe rageurs, on le mouille, savonne, frotte, rince, brosse et il se retrouve confus, furieux et parfumé à la rose. Eh oui, la rumeur dit que les animaux de compagnie peuvent véhiculer le virus, Madame Huant applique donc de saines mesures de précaution. Et son chat doit maintenant vivre confiné et porter un masque. Sinon, il prend un bain à chaque sortie et elle lui promet aussi un bon badigeonnage au gel hydro alcoolique.

Comment faire pour avoir un masque, ce produit de luxe introuvable ? Une cagoule de voyou, c’est pour la bande à Francis ; un masque de plongée, c’est réquisitionné pour les hôpitaux ; un bouclier, c’est réservé pour la police quand elle croise les gilets jaunes. A la télévision, un journaliste avisé a montré comment  un string peut remplacer un masque facial. Madame Huant a bien essayé de transformer une culotte petit-bateau, mais a abandonné quand un journaliste encore plus avisé a expliqué comment  ajuster des lanières sur un filtre à café ; il faut noter que la forme en bec de canard du filtre est un signe infaillible d’efficacité.

Et notre chat porte maintenant un masque, très gênant pour croquer les souris qui habitent dans la montagne de pâtes. Il a également très peur depuis qu’il a vu sa maîtresse fabriquer pour lui un gel infâme à partir de pastis et de gelée alimentaire. Ah, non ! Il ne se risquera plus à sortir. Sentir ensuite la rose au pastis, c’est au-dessus de ses forces.

Comme il s’ennuie, il passe son temps à faire de longues siestes, et à imaginer qu’il écrit des poésies :   une autre vie, un autre possible. Le vent lui a encore apporté de jolis vers. Penaud, il ne sait que répondre, aussi maladroit dans l’écriture poétique que dans l’analyse de ses sentiments. Il voudrait bien revoir cette petite Hulotte, mais le virus les sépare, comme Roméo et Juliette, enfin, n’exagérons pas quand même , les parents ont l’air d’accord cette fois-ci. Il a d’ailleurs aussi d’autres rêves bien plus prosaïques : déguster un ortolan, ou un merle à défaut de grive, ou encore une de ces linottes à la tête bien vide, mais à la saveur incomparable, car les souris, à force de manger des pâtes, sont aussi farineuses que les mites.

Écrit par Gudule

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