Parc Richard Pouille à Vandoeuvre      Photo: MarieThérèse SEILLER

Quelle coïncidence : deux réunions de plumes près de la buvette du parc Pouille le samedi 8 août !Après le bain matinal, le gang des palmipèdes se rassemble pour une rave – oh pardon – pour une green party pendant que les poètes de Gens de Plume se faufilent masqués d’ombre en ombre, les yeux rivés sur la robe rouge de leur muse pour une première séance après le confinement. Très vite, pendant que les uns livrent à leurs amis les délicates rimes composées pendant la période d’isolement, les autres se régalent de l’herbe la plus tendre de tout le parc. Nourritures célestes et terrestres en parfaite harmonie, le mouvement des becs soulignant le rythme des alexandrins dans un accord parfait.

Vision paradisiaque, certes, mais vous savez, chers lecteurs, qu’il n’y a pas d’histoire digne de ce nom sans la présence du méchant.

Perché sur une branche comme à son habitude, il est là, ruminant sa rage, sous les rayons brûlants du soleil qui allume des éclats d’acier sur ses plumes. Cet endroit lui appartient, c’est ici qu’il déguste les reliefs du repas de midi des hôtes de la buvette. Or, les poètes occupent tout l’espace, un par banc. Et le corbeau sait bien qu’ils vivent d’amour et d’eau fraîche, donc il n’a rien à attendre d’eux. De plus, il éprouve une haine viscérale depuis que l’un d’entre eux a raconté une histoire abracadabrantesque de renard et de fromage qui le fait passer pour un vaniteux stupide, un naïf incorrigible, et en fait pour l’idiot de la forêt. D’autre part, il exècre également l’autre groupe : ces becs plats, ces pattes palmées, ces êtres si différents de lui. Il les jalouse aussi férocement quand il les voit nager élégamment sur la pièce d’eau ; il ne peut hélas les suivre dans l’eau pour attraper les morceaux de pain lancés par les passants.

Vous sentez bien, chers lecteurs, que la suite peut être terrible. Je ne vous fais plus attendre.

Soudain, le plus beau des palmipèdes, le cygne noir au bec écarlate, est tellement touché en entendant un poème d’amour qu’il applaudit à toute volée en ouvrant magistralement ses ailes immenses. Un murmure d’admiration parcourt l’assemblée devant la prestance de l’animal et la blancheur immaculée cachée sous son plumage. C’en est trop pour notre corbeau tout noir, il explose et pousse son cri de guerre rauque et surpuissant au moment où une charmante poétesse commence à déclamer son texte. Elle va s’arrêter et prendre peur, pense-t-il. Pas du tout, elle le fait taire pendant que la docte assemblée fait sentir son hostilité envers l’animal.

Dénouement heureux, direz-vous, pour les héros sympathiques que sont nos deux groupes. Eh bien, pas du tout. Un chien surgit et les oiseaux de l’étang s’égaillent, des nappes rouges commencent à envahir les tables et les amis de Gens de Plume s’esquivent.

Le corbeau ricane de joie, tout comme ce diable de soleil là-haut qui brille cent fois plus fort pour la circonstance.

Marie-Thérèse

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2 commentaires

  1. Marie-Thérèse sait faire feu de toute plume…
    Merci pour cette belle écriture et cette imagination fertile.

    1. Formidable, sensationnel, poétique, je n’ai pas de mot pour exprimer le Bonheur que j’ai en lisant ta prose Merci Colette

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