C’est la panique dans la librairie où Gudule se trouve enfermée. Les volatiles sortis des livres des contes sont dans tous leurs états. Mais à la fin…

Soudain, une petite poule blanche vient sauter sur les genoux de Marinette. Nous la reconnaissons : c’est elle qui a réussi à trouver la solution du difficile problème que la maîtresse avait donné aux fillettes dans le conte de Marcel Aymé. Elle prévient qu’elle va faire un petit tour avant de revenir pondre un œuf.

Nous intervenons vivement. Non, non, et non. C’est la grippe aviaire, les volailles doivent être confinées. De désespoir, la petite poule émet ces cris stridents que le citadin ne supporte pas à la campagne. Très vite, les oies sauvages qui comprennent qu’elles vont être les premières accusées de transmettre ce virus se joignent au concert de lamentations, tout en rêvant des paradis lointains auxquels il leur faudra peut-être renoncer. Refusant d’être prisonniers, Le héron, le corbeau et leurs parents des fables scandent un chant de guerre, accompagnés par le bataillon de tous les oiseaux qui susurrent habituellement la romance sur les fenêtres des princesses.

Les oreilles cassées par tout ce tintamarre, nous sommes désespérés, surtout quand la cigogne déplore de ne plus pouvoir apporter de bébés en Alsace. Pour réparer notre erreur, nous prenons la parole, le plus fort que nous pouvons. La situation des bêtes à plume est moins grave que celle des visons qui sont tous tués dans les élevages au Danemark en raison d’une mutation du coronavirus. Le vison qui apparaît très peu dans les contes est méprisé comme tout étranger par les bêtes à poil présentes, même si on admire en secret le brillant et le soyeux de son pelage, mais cette nouvelle qui évoque un possible génocide affole tellement que les hurlements des loups se joignent aux cris des renards, des belettes et des petits lapins.

La situation devient incontrôlable, les plaintes se multipliant plus vite que le coronavirus. Une grenouille, bête ne portant ni poils ni plumes, veut profiter de cette agitation qui ne la concerne pas pour se faire aussi grosse que le bœuf. Emportée par son zèle, elle explose. Une conduite de gaz défaillante ? Une manif qui dégénère ? Un attentat ? C’est la panique.

Les étagères commencent à tanguer, les vagues de protestation nous submergent dans un océan de reproches, nous savons bien que nous sommes responsables, nous avons le mal de mer et pensons que nous allons couler.

Soudain, le volet de la librairie s’ouvre . Tout devient brusquement silencieux et paisible autour des rangées de livres poussiéreux que nous voyons à présent nettement. Même le grand méchant loup qui nous a fait si peur a disparu. Nous sommes stupéfaits. Pourquoi ce calme soudain ?

Mais qui a ouvert la porte?*

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Le mois de mai, Marie-France Vestier nous a invité à faire un tour par les tableaux célèbres qui représentent les 4 saisons au son de Vivaldi. Cette fois-ci, c’est Annie Rivelois qui nous propose cette vidéo. Il vaut la peine de la revoir.

Cliquez sur l’image pour accéder à la vidéo

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Toujours enfermée dans la librairie, Gudule rencontre les personnages sortis des livres…mais quelques uns ne sont pas sympathiques…

Ce hurlement qui retentit dans la pénombre de la librairie nous glace jusqu’ au sang, mais il nous donne des ailes et nous nous envolons là-haut, tout là-haut, entre deux ouvrages sur la dernière étagère.

C’est le tout petit jour, entre chien et loup. Devant la fente du volet passe un chien, pas de doute, c’est le chien des Baskerville qui rejoint le rayon des romans policiers. Alors ce cri horrible ne peut être que celui du …

NON !!!!!!! ! SI !!!!!!!

Maintenant, nous distinguons dans la pénombre ses grandes oreilles velues, ses yeux de braise, sa longue langue sanguinolente qui jaillit de sa gueule immense et surtout ses crocs acérés. C’est LE GRAND MECHANT LOUP. Il cherche, il nous cherche, c’est évident. Nous tremblons si fort d’épouvante et nos mâchoires claquent si violemment que toute l’étagère se met à vibrer, entraînant dans un dangereux mouvement d’oscillation tout ce qu’elle porte. Le livre voisin s’entrouvre alors sur deux petites filles tout d’abord contrariées d’avoir été dérangées en plein sommeil, mais très vite souriantes et gracieuses.

Nous reconnaissons Delphine et Marinette, elles connaissent bien le loup puisqu’il les a mangées. Dans le conte de Marcel Aymé, elles sont libérées par leurs parents et malgré cette désagréable mésaventure, elles continuent à trouver le loup sympathique. Elles nous rassurent : nous ne risquons rien. Le monstre ayant perdu l’odorat à cause du coronavirus, il ne peut nous détecter si nous reprenons notre sang-froid et restons tranquilles. Guidés par leur douce voix d’enfants des contes, nous suivons le triste destin du grand méchant loup.

Lorsque la rumeur d’un possible confinement s’est répandue par monts et vallées, Mère-Grand qui vivait encore dans sa maisonnette au fond de la forêt a été placée d’office dans un EHPAD afin qu’elle puisse vivre en toute sécurité à l’abri de la pandémie. Comme sa petite fille n’a plus le prétexte d’aller porter un pot de confiture à son aïeule et qu’elle ne peut plus se déplacer à plus d’un kilomètre de son domicile, elle n’a plus d’excuse pour traîner dans la forêt comme à son habitude. Maintenant, le loup erre affamé : plus de petit Chaperon Rouge, plus de Mère-Grand à se mettre sous la dent, même si cette dernière est plus coriace et moins appétissante.

Pendant ce récit, nous remarquons bien sur le rayon des fables un autre loup gras comme un moine bénédictin. Il n’a aucun problème lui pour trouver l’agneau dans les plaines et les montagnes de Lorraine. Il se moque discrètement de ce snob qui refuse de changer son régime alimentaire en période de crise. L’agneau reste un produit de première nécessité, ce qui n’est certainement pas le cas pour les grands-mères et les fillettes, mets habituel s du grand méchant loup qui continue à hurler sa colère et sa faim.

Il nous a fait tellement peur que nous refusons d’éprouver la moindre pitié à son égard, malgré les supplications de Delphine et Marinette.

Le jour se lève peu à peu et nous allons hélas oublier qu’il faut tourner sa langue sept fois avant de parler….*

Gudule

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Nous restons sagement dans notre périmètre d’un kilomètre autour de notre domicile…mais notre imagination, elle, s’envole vers les forêts enneigées grâce à Colette Laville-Dereau. Notre INTERLUDE de magie continue…

Prêtez-moi vos oreilles.
Là-bas, au fond de la forêt, par les nuits de pleine lune, il se passe des choses magiques.
C’est l’hiver, la neige recouvre tout le paysage, pas un bruit. Seul parfois un corbeau perce le silence de son « croa-croa ».
La forêt est là, magnifique avec la neige. Des milliers de cristaux scintillent le long des branches des sapins. Tout est feutré, ouaté.
Puis la nuit descend. Les étoiles s’allument dans le ciel de neige, semblables à des flocons qui seraient restés collés au ciel couleur marine. La lune se lève, monte tout doucement au-dessus des arbres, elle aussi entourée d’un halo cotonneux. Elle est ronde, pleine et elle brille, suspendue au-dessus de la forêt.
Soudain, une ombre se détache, rampe sur le sol. Quelle est cette ombre ?  Un animal ?  A-t-il des pattes ? Car cette ombre s’enfonce dans la neige souple, douce, profonde. L’ombre avance doucement. Elle avance…avance…sort de la futaie prudemment, s’arrête, écoute. Pas un bruit, alors elle peut continuer…et elle continue. Qui est-elle ? Où va-t-elle ? Elle avance toujours…avance…avance…avance…sûre d’elle, comme si elle avait un rendez-vous fixé d’avance. La lune brille…la lune éclaire la clairière où la bête –car s’en est une- vient d’arriver.

Là, commence la magie, le rêve. L’ombre n’est plus une ombre, mais un loup, un loup magnifique, un loup qui semble bleu dans la lueur de la nuit.
Aucun vent. Et pourtant c’est comme un bruissement, un murmure, une musique. Oui, c’est une musique.
Un piano joue quelque part dans cette forêt enchantée. Les premiers accords d’une valse lente se font entendre et le Loup Bleu, magnifique, s’élance, tourne, tourne, s’arrête, repart, sur le temps tantôt lent, tantôt rapide. Le Loup Bleu danse, caressé par les rayons de lune.
Puis, quand les étoiles s’éteignent une à une, comme dans une salle de bal, quand la lune, comme un chef d’orchestre, laisse la place au jour, quand le coq annonce une nouvelle journée, la forêt enchantée redevient calme, feutrée, ouatée sous la neige. Les cristaux scintillent sur les sapins comme des guirlandes oubliées de la nuit.
Personne ne peut soupçonner ce qui se passe les nuits d’hiver, les nuits de pleine lune.
Moi je sais. Et moi seule en ouvrant la fenêtre de ma chambre entend au loin une valse lente et imagine le Loup Bleu qui tourne, tourne, emporté par la mélodie de piano.

Pourtant…pourtant, lorsque vous vous allez vous promener en forêt, écoutez…écoutez prêtez vos oreilles au vent comme vous venez de me les prêter et je suis certaine que vous aussi vous entendrez la valse lente du Loup Bleu et vous laisserez emporter par la magie d’un tel instant.

 

Colette Laville-Dereau

 

Ce conte a reçu la Médaille d’Or à Pleneuf-Val-André (Bretagne) en 2006 et aussi le Grand Prix du Conte de Biscarosse en 2012

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Après avoir aidé le prince de La Belle au Bois Dormant, Gudule va voler au secours de celui de Cendrillon. Les temps sont durs pour les héros…

Toujours plongés dans l’ombre rassurante de la librairie, nous écoutons le récit du prince charmant. Les yeux embués de larmes et la voix entrecoupée de sanglots, il nous raconte qu’il n’a qu’un souhait : retrouver la dulcinée promise par le conte.

Comme convenu, Il a organisé un grand bal, ou plutôt il a voulu le faire en ces temps troubles dominés par le coronavirus.

Les salles des fêtes publiques et privées sont interdites au public. Qu’à cela ne tienne, le bal se tient sous les frondaisons dans le parc du château. Les réseaux sociaux ont su dispenser la nouvelle de cette rave-party en toute discrétion comme à leur habitude.

Il sait que Cendrillon s’enfuira à minuit en abandonnant sa précieuse pantoufle. La bonne fée le met en garde : certes, c’est l’automne et donc la saison de la citrouille nécessaire à l’exercice de son art, mais les magasins qui vendent des chaussures, produits non essentiels, sont fermés, elle n’est pas certaine de trouver chez ZonAma le modèle de qualité qu’elle pourra transformer en pantoufles de verre ou de vair, selon son humeur du moment. Elle a en effet déjà constaté que sa baguette magique n’a aucun effet sur les articles synthétiques made in China.

Le soir, une foule d’ombres masquées s’engouffre par la petite porte cochère dans le parc. La lune bienveillante allume une myriade d’étoiles sur les gouttes de rosée et dans cette atmosphère de clair-obscur si romantique, le prince ne tarde pas à être séduit par une jeune fille dont il devine la finesse et l’élégance. Il se promet d’être vigilant à minuit pour ne pas la perdre de vue.

Lorsque l’horloge du château sonne vingt-deux heures, un frisson d’effroi attisé par le vent parcourt l’assemblée parce que des lumières au loin annoncent l’arrivée de la maréchaussée. C’est le couvre-feu qui s’ajoute au confinement et à l’interdiction des rassemblements de plus de six personnes. Et chacun s’enfuit comme il peut. Le prince se retrouve tout seul, sa dulcinée a disparu avec ses baskets sur une trottinette électrique. Courageux mais pas téméraire, il file vite se réfugier à sa place habituelle dans le livre de contes pour échapper aux forces de l’ordre.

En fait, ce héros nous semble plutôt ennuyeux, mais nous sommes polis. Nous voulons le plaindre, le réconforter en le prenant dans nos bras, mais un hurlement atroce retentit…. Qui est là ?*

Gudule

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©Le Petit Louvre

Notre Interlude continue dans le monde des contes. Cette fois-ci on vous invite à visiter le « Petit Louvre » où l’excellente conteuse Constance Félix nous conduit vers l’univers magique des contes d’automne,  en ayant comme cadre les ouvrages du célèbre musée. Un vrai régal pour les petits et les grands!

Cliquez ici pour le voir. Durée 5 min

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Pour notre bonheur, Gudule, la créatrice de la série « Le Chat de Madame Huant » reprend sa plume et remet au goût du jour ce conte bien connu :

Eh oui, les temps sont durs. Les librairies sont fermées, fonctionnant sous le principe click and collect, ce qui sonne bien surtout pour les défenseurs de la langue française.

Cette nuit, notre curiosité nous fait passer par un trou de souris dans une d’entre elles. La lune qui s’est glissée par une fente du rideau jette une lumière diaphane sur le rayon des contes d’où s’échappe à notre grand étonnement une étrange silhouette, elle nous rejoint en poussant des soupirs de désespoir.

C’est un prince charmant qui nous demande de témoigner, ce que le devoir nous ordonne d’accepter. Nous nous permettons de vous communiquer quelques éléments de son long récit.

La Belle au bois dormant dort toujours dans un château au fond de la forêt. Le prince, en consultant son agenda, constate qu’il doit aller la réveiller.

Dans un premier temps, Il rédige une attestation de déplacement dérogatoire. Aller au chevet de la belle relève de son activité professionnelle de prince charmant, c’est aussi porter assistance à une personne vulnérable, et également une mesure d’intérêt général pour la pérennité du conte. Après avoir hésité et attrapé la migraine en réfléchissant longuement, il coche les trois cases et part accomplir sa mission.

La maréchaussée l’arrête, le verbalise pour attestation mal remplie, et le signale aux autorités supérieures comme individu douteux. Néanmoins, il poursuit son chemin par les bois et les fourrés, rencontrant au passage les bandits de grand chemin, les élèves fugueurs et tous ceux qui s’accordent la liberté de transgresser la loi.

Après avoir surmonté de nombreuses difficultés qu’il narre avec élégance mais que nous taisons pour ne pas abuser de la patience du lecteur, il arrive devant le château. Deux cerbères l’arrêtent : il doit passer un test covid qui se révèle … POSITIF. Situation kafkaïenne ! Drame de conscience ! Va-t-il terrasser les deux gardiens et courir embrasser la jolie demoiselle au risque de la rendre malade ? Va-t-il déroger à la règle du conte et la laisser dormir cent années de plus ?

Vous savez que les princes sont des gens respectueux des règlements sanitaires. La mort dans l’âme, il rejoint le rayon des contes dans la librairie pour une nouvelle attente.

Nous frissonnons d’angoisse. Le constat est dramatique : le coronavirus a contaminé les personnages des contes, c’est certainement la raison pour laquelle nos dirigeants ont fermé les librairies. Nous voulons fuir avant d’être malades à notre tour.

Mais un autre prince charmant se glisse déjà entre les pages d’un livre pour nous raconter son drame. La curiosité nous commande de rester, quoi qu’il en coûte.*

Gudule

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*Cendrillon au temps du coronavirus

Le Petit Chaperon Rouge au temps du coronavirus

Drame dans la librairie

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