Queue basse, Faust a traversé le salon, indifférent aux appels de sa maîtresse qui demandait sa compagnie pour voir sa série préférée à la télé. Il l’a ignorée royalement et est allé se mettre entre les « draps » en soie de son lit,  à imaginer sa Hulotte en train de faire les yeux doux à ce « chat de gouttière », certes sympathique selon Minette,  mais peut-être  incapable de l’apprécier à sa juste valeur. Mais ses pensées noires n’ont pas duré longtemps.

Quelques minutes plus tard, il a entendu un vacarme énorme qui venait du parc. Et entre les cacardements des jars, les gloussements des dindons, les drensements des cygnes, il a pu distinguer les miaulements désespérés de Hulotte en demandant « Au secours » et les cris de Minette l’appelant en dessous de son balcon.

Le problème était que, comme tout le monde le sait, il est aisé pour les chats de monter sur les arbres, mais, descendre, c’est une autre paire de manches. Le chat de Madame Huant, lui, il savait le faire, mais la pauvre Hulotte avait trop peur pour le suivre.  En se  rendant compte qu’elle était coincée là-haut sans pouvoir retourner auprès de sa maîtresse, la petite a complètement paniqué et s’est mis à hurler, en réveillant ainsi tous les animaux du parc.

Minette, qui était dans les parages savait bien que son seul salut  était Fantôme, le roi des hauteurs, un vrai « spiderchat », le seul qui montait et descendait de ces arbres les yeux fermés. C’est pour cela qu’elle est allée voir Faust, dans l’espoir qu’il puisse l’appeler, lui, son grand ami.

Et effectivement, surgissant comme du néant, Fantôme est apparu. Sans hésiter, il a grimpé sur le marronnier, a mis Hulotte sur son dos, a fait un grand saut et, comme par magie, les deux ont disparu dans la nuit. Ceux qui ont regardé le ciel à ce moment-là ont pu voir les silhouettes de Hulotte et de sa monture dessinées contre la pleine lune, survolant les arbres.

Sur un banc du Parc Pouille, redevenu silencieux, le chat de Madame Huant et Minette se sont regardés, interrogatifs : Où était passé Hulotte ?

Écrit par Margaux

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Ludwig s’est effacé avec son duo si peu sympathique. Mais la vie continue au parc Pouille avec un nouveau témoin : Margaux. La plume est à toi, chère amie !!

Gudule

Du balcon d’un duplex situé tout en haut d’un immeuble à côté du Parc Pouille, un chat birman aux yeux couleur saphir observe la ville. Son nom est Faust. Selon sa maîtresse, une bourgeoise aux faux airs d’aristocrate, son pedigree remonte sur plusieurs générations, il ne mange que des croquettes au saumon et a même un « personal » toiletteur pour s’occuper de son pelage… Caché dans son sac, elle l’amène voir des conférences, des concerts, des spectacles, ce qui fait de lui, selon elle, un chat branché et savant.

Néanmoins, pour ses semblables, les autres félins du quartier, c’est une toute autre histoire. Ils le trouvent snobinard et bizarre et se demandent : « C’est quoi ce chat qui ne mange pas de souris, ne traîne pas avec les autres matous du coin et fuit les bagarres ? Une « poule mouillée », c’est sûr !  Mais cela, personne n’oserait lui dire en face. Car Faust a quand même deux amis de poids dans la communauté : d’un côté Minette, la chatte de rue au grand cœur, et de l’autre, Fantôme, un mystérieux chat qui hante la bande de Francis et domine le haut des arbres du parc la nuit, de la même façon que Francis fait la loi sur les allées et trottoirs.

Et ainsi tout allait bien pour Faust jusqu’au moment où ce satané virus est entré dans la vie de sa maîtresse. Quelle cruauté ! Elle, une dame de haut rang, obligée de jouer des coudes pour s’approvisionner et même de s’occuper toute seule de ses cheveux ! Heureusement, grâce à lui, elle pouvait se promener un peu autour du parc, et cela intéressait Faust au plus au point. Car, lors de ses sorties il avait l’espoir de rencontrer à nouveau celle qui a fait chavirer son cœur : Hulotte !

Elle était tellement gracieuse cette petite chatte…jolie, cultivée et raffinée, Minette disait qu’elle savait même écrire des poèmes…quand il la voyait, il miaulait, aguicheur, soulevait sa belle queue soyeuse, lui lançait des regards pénétrants avec ses yeux saphir, s’épanchait  à étaler sa vaste culture… Mais rien, aucune réaction, visiblement Hulotte n’était pas intéressée. Mais pourquoi ? Comme les autres, trouvait-elle qu’il était trop snob ? Ou peut-être quelqu’un d’autre habitait déjà son cœur ?

Hélas, ce soir-là il a eu une réponse à ses questions. De son balcon, il a entendu les aboiements du molosse, et ensuite il a vu sa chère Hulotte entrer dans le parc et grimper sur le marronnier, accompagnée par un autre chat. En les voyant ensemble, il a tout compris. C’était le chat de madame Huant qu’elle aimait ! Effondré, il a tourné le dos à la scène et est entré se coucher…sans savoir que la nuit lui réservait encore pas mal de surprises !

Écrit par Margaux

Suite => Épisode 20

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Chacun sait que le chat a un ennemi héréditaire. Justement Ludwig connaît Bébert et son chien Adolf, un de ces couples bêtes et méchants dans lequel l’un ne vaut pas mieux que l’autre.

Prêtons-lui  la plume.

Gudule

Bébert habite au 6° au milieu de voisins qui le regardent de travers depuis qu’il a adopté un berger allemand nommé Adolf. Ainsi il a voulu montrer non pas qu’il était le plus fort, mais qu’il ne craignait plus les quolibets et les insultes des petits sauvageons du quartier. Avec son molosse, il est enfin quelqu’un ! Adolf est devenu agressif envers la race féline depuis le jour où il a avancé son museau vers un chat sournois qui de sa patte aux griffes acérées lui a transformé la truffe en une chose sanglante. Adolf est en guerre !!!

Comme tous les soirs, en sortant de l’immeuble, Bébert lui ordonne : « cherche » pour l’exciter car il sait que la plupart de ses voisins possèdent un chat. Adolf a déjà repéré dans la pénombre deux silhouettes suspectes et il attend avec impatience que son maître le libère pour sa course quotidienne ; Il va donner une leçon à ces minets. Lorsque le mousqueton le lâche, il s’élance vers ses deux cibles qui sont en train de se faire des câlins et émettent des miaouuuuuu impudiques. Je vais leur faire voir qui je suis, pense-t-il. Le chat de Mme Huant et sa compagne Hulotte voient  en même temps le justicier Adolf surgir sous la tonnelle, bavant de rage et ils détalent ensemble. Les deux chats savent comment échapper aux chiens, ces bâtards qui ne savent pas grimper aux arbres. On peut même dire qu’ils ont un sérieux entrainement vu le nombre important de Médor et Cie qui leur ont permis d’améliorer leurs performances. Ils savent que leur fuite les conduit vers la clôture dans laquelle se trouve un trou bloquant tout poursuivant. Ils se faufilent sous le grillage et un marronnier centenaire leur offre le salut.

Sauvés ! Ils sont au parc Pouillle.

Après avoir repris leur souffle et mis de l’ordre dans leurs idées, ils comprennent  qu’ils ne sont pas si mal que cela sur le marronnier.

Miaouuuuu, miaouuuuuuu !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Adolf, en aboyant sa hargne, jure que la prochaine fois, il fera preuve d’une stratégie plus rigoureuse. Puis, en pensant à son maître, il repart sachant ce qui l’attend.

Écrit par Ludwig

Suite => Épisode 19

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Oui, elle est là car Hulotte a une vue perçante, on sait bien, et persane car elle est persane…

De surcroît, sa sensibilité exacerbée a compris le message ému d’un amoureux transi et, au travers ses narines, les effluves d’un impétueux besoin.

Certes, les vers ne sont pas ceux d’un Cyrano mais elle ne prétend pas être Roxane.

Et elle est donc bien là, aux côtés de celui dont elle rêve depuis tant de jours. Enfin ses prières ont été entendues.

En s’approchant, elle frôle un poil un peu humide; Ah! sa maîtresse quelle peste certains jours; elle ne comprend rien au langage des matous. On se demande même si elle comprend…mais bref!

Fregull est encore plus beau la nuit et ce refrain, modestement retravaillé, lui trotte en tête : il a les yeux revolver, il a le regard qui tue…

Cette nuit est si belle! Les étoiles ont doublé leur nombre et leur éclat : Séléné veille bien sûr… Aurore, ce sera pour après…Les arbres se penchent avec attention et délicatesse. Le hibou, un peu voyeur, mais discret malgré tout, retient son hululement. Pas un bruit, seul le chuchotement du vent dans les frondaisons compose une ode aux amoureux.

L’instant est intense, le suspens palpable, mais qui va faire le premier pas?

Fregull prend l’initiative. Il s’oriente vers une tonnelle où les rosiers font écran au reste du monde.

Hulotte le suit, quelques pas derrière. Elle est dans son sillage, elle nage dans le bonheur, elle vogue dans l’éther.

Qui a dit que la vie était dure parfois?

Il grimpe sur un banc l’invitant à une proximité. Elle bondit.

Et alors, commence une roucoulade inattendue:

« H : Je t’attends depuis maintes heures.

Tu es mon héros. Je t’admire.

Ah! ton poil, ton poil, quelle douceur

Ma patte ne peut se retenir.

 

F : Miaouille. Miaouille

Ce que tu me fais là me chatouille

Et me donne le frisson.

Alors, c’est bon?

 

H : C’est tellement bon d’être à tes côtés

Oh mon gentil, mon charmant Fregull!

Combien de fois l’ai je prononcé

Ce prénom que je chante et adule…

 

F : Fregull? Un nouveau?

Moi, j’connais Francis l’costaud.

J’connais l’Turbin.

J’connais même Jean Gabin.

Tu vois, c’est pas d’la frime,

Je rime! »

 

H : Que j’aime entendre ta voix mâle

Que j’aime la brillance de tes yeux

Que j’aime tes paroles gutturales

Dieu, que l’instant est délicieux!

 

F : Ouais c’est vraiment chouette, ma Hulotte.

J’connais ton nom, j’lai entendu :

Ta maîtresse l’a dit. Tu m’bottes

Turlu Turlu Turlututu?? « 

 

Mais mais mais…

Écrit par Bambou

Suite => Épisode 18

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Le chat de Madame Huant était parti, il est revenu.

Qu’a-t-il fait depuis son départ ? Mystère et boule de gomme. A-t-il emprunté le manteau de Freya pour se changer en oiseau et voler dans un monde non confiné ? Secret de chat ! A-t-il vécu une autre de ses neuf vies ? Secret de chat ! Il ne m’a rien dit, à moi Gudule. Donc vous ne le saurez pas non plus aujourd’hui, na!

Il est là ce soir à Vandoeuvre. Ambiance féerique dans la ville déserte. Un délicat souffle de lilas parcourt les rues, donnant vie à des milliards de petites feuilles délicates pendant que se réveille la minuscule faune de la terre et des airs. La lune ronde et polie comme un sou neuf se distrait en jouant avec les ombres et embrasse d’un regard bienveillant et protecteur ce nouveau monde, retour à l’origine des temps.

Ne nous laissons pas emporter, revenons à notre chat. Justement, il sort de l’ombre, habitué à jouer avec le jour et la nuit pour échapper à la maréchaussée plus ou moins allergique à tout ce qui bouge en ces temps de pandémie. Par hasard, il découvre qu’il se retrouve sous les fenêtres de la famille Granduc et la douce silhouette de Hulotte se dessine en ombre chinoise derrière la fenêtre. Il l’avait presque oubliée, mais quelque chose de doux inonde soudain son coeur; le fleuve coule plus vite dans ses veines , et soudain, son sang ne fait qu’un tour. Il va donner une sérénade et répondre aux beaux poèmes de Hulotte.

Notre chat n’est pas poète, mais il avait cru entendre un jour au parc du Charmois qu’il fallait terminer toutes les phrases par le même son. Et il s’époumone avec sa voix de fausset :

Moi qui ne suis qu’une fripouille, ouille,ouille,ouille,

Qui n’ai à t’offrir que mes bafouilles, ouille,ouille,ouille,

Devant tes yeux divins je m’agenouille, ouille,ouille,ouille

Dans les nids, les oiseaux gazouillent, ouille,ouille, ouille

Une fenêtre s’ouvre, une voix s’élève. Espèce d’andouille, je vais te transformer en grenouille. (Il faut noter que cet habitant excédé a utilisé un autre mot se terminant en ouille, notre exquise éducation nous interdit de transcrire la phrase qui le contient).

Une cataracte digne des chutes du Niagara, enfin presque, se déverse dans la rue.

Ouille, ouille, ouille !!! pauvre chat. Et Hulotte a disparu de la fenêtre.

Oh miracle! Elle est là…à ses côtés…

Écrit et illustré par Gudule

Suite => Épisode 17

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Pendant que notre chat se morfond, les deux adolescents que nous avons croisés il y a quelques jours poursuivent leur bonne action dans la ville, ils descellent tous les panneaux d’interdiction de stationner, de sens interdit, de limitation de vitesse qui ne servent plus à rien puisque les rues sont vides. Parallèlement, ils reprennent leurs bonnes vieilles habitudes en rôdant dans la ville à la recherche de quelque chose d’inintéressant à faire.

Ils aperçoivent Madame Huant qui revient du supermarché, à peine remise de la crise de foie provoquée par les yaourts périmés. Qu’elle est jaune ! se disent-ils. Ils lisent son nom sur la boîte à lettres : Anne Huant., Huant Anne… Wuhan… Elle est chinoise ! C’est elle qui a apporté le virus dans la ville. Un président à cheveux jaunes a bien souligné la responsabilité des Chinois, il ne se trompe jamais.

Ils vont participer à la chasse aux sorcières avec leurs maigres moyens. Rappelons que les grands bûchers si efficaces au Moyen-âge sont passés de mode et que le couvre-feu interdit les feux de joie la nuit. A la nuit tombante, ils décident de faire peur à Madame Huant en frappant violemment à la porte. La vieille serrure cède, la porte libère un escadron de mites qui aveugle les galopins, ils fuient à la vitesse de l’éclair en se frottant les yeux. Vous le savez : les mites, c’est tout petit, mais c’est farineux et ça brûle les yeux.

Le chat terrorisé devant la porte ouverte entend alors sa maîtresse. Ah ! Tu as réussi à ouvrir la porte, sale bête ! Eh bien sors !

Notre chat sait ce qui l’attend s‘il revient à la maison : la baignoire, le shampoing à la rose, la solution au pastis.

Il erre un peu, rencontre Minette. Ah ! Il est beau avec sa tête de canard et son parfum de courtisane. Et elle l’a bien vu l’autre jour, minaudant devant une petite sans intérêt qui se roulait sans vergogne devant lui.

Et elle, Minette, ne passe-elle pas tout son temps avec la bande à Francis ? Ne ferme-il pas les yeux à propos de ses activités sur les trottoirs de la ville ?

Querelle de vieux couple entre deux êtres incapables de s’entendre… mais tout aussi incapables de vivre l’un sans l’autre.

 Et notre chat s’en va… Minette… Hulotte… Liberté…. Il s’éloigne..

 Et on ne le voit plus…

Écrit par Gudule

Suite => Épisode 16

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Lorsque le chat revient de sa promenade, sa maîtresse l’empoigne énergiquement et le trempe immédiatement dans l’eau chaude de la baignoire. Chat échaudé craint l’eau chaude, même s’il n’est pas échaudé. Malgré ses miaulements de désespoir, ses coups de griffe rageurs, on le mouille, savonne, frotte, rince, brosse et il se retrouve confus, furieux et parfumé à la rose. Eh oui, la rumeur dit que les animaux de compagnie peuvent véhiculer le virus, Madame Huant applique donc de saines mesures de précaution. Et son chat doit maintenant vivre confiné et porter un masque. Sinon, il prend un bain à chaque sortie et elle lui promet aussi un bon badigeonnage au gel hydro alcoolique.

Comment faire pour avoir un masque, ce produit de luxe introuvable ? Une cagoule de voyou, c’est pour la bande à Francis ; un masque de plongée, c’est réquisitionné pour les hôpitaux ; un bouclier, c’est réservé pour la police quand elle croise les gilets jaunes. A la télévision, un journaliste avisé a montré comment  un string peut remplacer un masque facial. Madame Huant a bien essayé de transformer une culotte petit-bateau, mais a abandonné quand un journaliste encore plus avisé a expliqué comment  ajuster des lanières sur un filtre à café ; il faut noter que la forme en bec de canard du filtre est un signe infaillible d’efficacité.

Et notre chat porte maintenant un masque, très gênant pour croquer les souris qui habitent dans la montagne de pâtes. Il a également très peur depuis qu’il a vu sa maîtresse fabriquer pour lui un gel infâme à partir de pastis et de gelée alimentaire. Ah, non ! Il ne se risquera plus à sortir. Sentir ensuite la rose au pastis, c’est au-dessus de ses forces.

Comme il s’ennuie, il passe son temps à faire de longues siestes, et à imaginer qu’il écrit des poésies :   une autre vie, un autre possible. Le vent lui a encore apporté de jolis vers. Penaud, il ne sait que répondre, aussi maladroit dans l’écriture poétique que dans l’analyse de ses sentiments. Il voudrait bien revoir cette petite Hulotte, mais le virus les sépare, comme Roméo et Juliette, enfin, n’exagérons pas quand même , les parents ont l’air d’accord cette fois-ci. Il a d’ailleurs aussi d’autres rêves bien plus prosaïques : déguster un ortolan, ou un merle à défaut de grive, ou encore une de ces linottes à la tête bien vide, mais à la saveur incomparable, car les souris, à force de manger des pâtes, sont aussi farineuses que les mites.

Écrit par Gudule

Suite => Épisode 15

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Sans réponse, Hulotte réfléchit. Comment son idole aura-t-il perçu cette poésie, car il l’a reçue télépathiquement en ces temps de restrictions, elle en est convaincue.

Lui, le mystérieux, le pudique, l’intellectuel sûrement, sera-t-il touché, intéressé, séduit ou bien fera-t-il fi de tout ce qu’il pourrait considérer comme un étalage insignifiant, grotesque?.

Depuis deux jours et deux nuits elle ne dort pas. Monsieur et Madame Granduc ont remarqué son changement d’humeur. Elle est maussade, n’a plus d’appétit, ne voit plus la mouche qui la défie, ne regarde même plus la rue, son passe-temps favori.Elle est devenue indifférente à leurs caresses et les évite de plus en plus souvent.

Quelle solitude! Car, pendant tout ce temps, elle cogite inlassablement. Que faire??

Ce poème l’a, c’est certain, désopilé et elle se sent tellement petite, tellement médiocre, tellement piètre…Elle y a pourtant mis toute son envie, tout son désir, toute sa ferveur, toute sa passion.

Elle ne voit donc qu’une solution : en réécrire un, plus fort, plus proche de ce dont il peut rêver. Elle ira feuilleter dans la bibliothèque de ses maîtres. Elle est sûre d’y trouver des livres concernant les chats et notamment les matous et leurs attentes amoureuses. L’espoir revient avec une certaine appréhension malgré tout.

C’est la nuit, quand les ronflements se répondent, qu’elle entreprend ses recherches. Au plus bas des piles, elle croise le regard d’un superbe chartreux annonçant « Contes et légendes sur les chats ». Quelle chance! Elle n’aura pas à escalader toutes les étagères et évitera ainsi  des questionnements en cas de maladresse. 

Elle se plonge alors avec volupté dans la lecture et, parmi toutes ces légendes qu’elle dévore, il en est une qui retient particulièrement son attention et qui lui inspire une nouvelle poésie.

Avec retenue mais ferveur, et avec un tel espoir de rétablir un équilibre elle lui dédiera, sous ce titre:

Sonnet pour un chat

Je ne sais ni ta voix, ni ne connais ton nom.
J’ai vu ton poil soyeux, ta robe protectrice,
Tes yeux démesurés dont la nuit est complice.
Ton sanctuaire est situé au creux de ta maison.

Pourtant, dans le royaume de la déesse Freya
Qui laisse guider son char par ses deux chats sublimes,
Ressentant pour chacun une fierté légitime,
J’y retrouve ton port, je te retrouve là.

J’ai vu que certains soirs, quand Séléné, là-haut
Allume le ciel sombre de son précieux flambeau,
Un attelage voisin, friand de crépuscule

L’accompagne, fidèle, et sans compétition
En regardant la terre avec admiration.
Je te prénomme alors, je t’appelle Fregull.

Écrit par Bambou

Suite => Épisode 14
 
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Le chat de Madame Huant ne dort toujours pas, le vent lui susurre une lumineuse poésie. Que c’est beau !  Envahi par une agréable chaleur, il pense alors avec une certaine douceur à cette petite hulotte rencontrée le jour même. Que c’est beau ! Il aimerait aussi être poète.

Tchatte,
Depuis que j’ai vu ta silhouette,
Je scrute au lointain tous les toits.
Je me penche à toutes nos fenêtres.
Comme un chien je suis aux abois.
Je prie, je soupire, je halète,
De ton absence je sens le poids.
Ton ombre, je l’épie, je la guette.
Je la suis, je suis en émoi.
Je t’aperçois, mon sang s’arrête.
Tu disparais, j’ai mal, je bois…
Dans ton cœur, une autre minette?
Dieu que la vie est dure parfois!
Mais j’ai tant de mots dans ma tête,
Je les ai réservés pour toi.
Viens, nous ferons une dînette
Pour le plaisir, pour toi, pour moi.
Je serai, oui, ta midinette.
Si tu veux, tu seras mon roi.
Mon Dieu que la vie est bête
Quand un et un font, qui sait, trois!?
Dimanche je vais à la grand’fête
Des souris, des mulots, des rats.
Je t’attendrai à la guinguette,
Et je vais te dire pourquoi.
Je rêve de partir en goguette
Dans tes pas, à tes pieds, à ton bras.
Minou, minou, que je regrette
Que tu ne me répondes pas!

Écrit par Bambou

Suite =>Épisode 13

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Et la nuit est tombée. On couvre le feu maintenant, et seuls déambulent encore dans les rues un chien perdu sans collier, le gang de l’herbe-aux-chats en quête d’un mauvais coup et le vent. Le hâle de mars fait le diable à quatre, emprunte les allées en sens interdit, tourbillonne autour des ronds-points, glisse sur les trottoirs, puis danse sur les toits, hurle dans les cheminées, emmêle les jeunes rameaux, fait grincer les sapins, puis il fait un tour et recommence.

Dans les maisons, pendant que les corps se détendent, les esprits ont le droit de jouer au passe-muraille. Bébert applaudit sa petite poule blanche qui vient de remporter le titre de miss Poule 2020. Maria parcourt les grandes forêts de l’Amérique de son enfance en admirant les singes qui volent de liane en liane.

Notre héros ne peut pas dormir. Il revit la sortie de l’après-midi, l’arrivée de Hulotte avec sa maîtresse, et la vision du chat Francis et de sa bande en arrière-plan. Vite, il a fallu cacher une certaine partie douloureuse de son corps à cette petite chatte dont Madame Granduc vante les qualités et surtout la culture tout au long de ses visites , et, encore plus vite, cacher à Minette et au gang la honte d’être tenu en laisse. Dissimulé sous sa maîtresse, il découvre cette charmante petite Hulotte, un peu trop mince à son gré, certainement trop bourgeoise, mais intéressante.

Il la voit soudain s’étirer langoureusement dans le soleil, onduler, vibrer de tout son corps et danser aussi lascivement que Salomé devant Hérode Antipas. Notre chat va-t-il perdre la tête comme Jean-Baptiste ? Non, en parfait séducteur, il a su cacher sa lubricité. Une demi-griffe et un regard énigmatique suggèrent cette puissance protectrice que les dames aiment tant ; la tête légèrement penchée et un petit bout de langue apparent évoquent cette fragilité et cette faiblesse qui éveillent immédiatement l’instinct maternel de la gente féminine. Et Hulotte est définitivement séduite.

Ils vont enfin se parler, encouragés par leurs deux maîtresses, quand arrive un agent, le mètre à la main. Quoi ? Quatre-vingt-quinze centimètres virgule cinq séparent les deux femmes au lieu du mètre réglementaire. Il sort son carnet à souche, puis se ravise, magnanime. Circulez ! Et nos deux dames se séparent dans un frisson de soulagement sans même se dire au revoir.

Écrit par Gudule

Suite=> Épisode 12

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