Pendant que notre chat se morfond, les deux adolescents que nous avons croisés il y a quelques jours poursuivent leur bonne action dans la ville, ils descellent tous les panneaux d’interdiction de stationner, de sens interdit, de limitation de vitesse qui ne servent plus à rien puisque les rues sont vides. Parallèlement, ils reprennent leurs bonnes vieilles habitudes en rôdant dans la ville à la recherche de quelque chose d’inintéressant à faire.

Ils aperçoivent Madame Huant qui revient du supermarché, à peine remise de la crise de foie provoquée par les yaourts périmés. Qu’elle est jaune ! se disent-ils. Ils lisent son nom sur la boîte à lettres : Anne Huant., Huant Anne… Wuhan… Elle est chinoise ! C’est elle qui a apporté le virus dans la ville. Un président à cheveux jaunes a bien souligné la responsabilité des Chinois, il ne se trompe jamais.

Ils vont participer à la chasse aux sorcières avec leurs maigres moyens. Rappelons que les grands bûchers si efficaces au Moyen-âge sont passés de mode et que le couvre-feu interdit les feux de joie la nuit. A la nuit tombante, ils décident de faire peur à Madame Huant en frappant violemment à la porte. La vieille serrure cède, la porte libère un escadron de mites qui aveugle les galopins, ils fuient à la vitesse de l’éclair en se frottant les yeux. Vous le savez : les mites, c’est tout petit, mais c’est farineux et ça brûle les yeux.

Le chat terrorisé devant la porte ouverte entend alors sa maîtresse. Ah ! Tu as réussi à ouvrir la porte, sale bête ! Eh bien sors !

Notre chat sait ce qui l’attend s‘il revient à la maison : la baignoire, le shampoing à la rose, la solution au pastis.

Il erre un peu, rencontre Minette. Ah ! Il est beau avec sa tête de canard et son parfum de courtisane. Et elle l’a bien vu l’autre jour, minaudant devant une petite sans intérêt qui se roulait sans vergogne devant lui.

Et elle, Minette, ne passe-elle pas tout son temps avec la bande à Francis ? Ne ferme-il pas les yeux à propos de ses activités sur les trottoirs de la ville ?

Querelle de vieux couple entre deux êtres incapables de s’entendre… mais tout aussi incapables de vivre l’un sans l’autre.

 Et notre chat s’en va… Minette… Hulotte… Liberté…. Il s’éloigne..

 Et on ne le voit plus…

Écrit par Gudule

Suite => Épisode 16

COMMENTAIRES ICI

Lorsque le chat revient de sa promenade, sa maîtresse l’empoigne énergiquement et le trempe immédiatement dans l’eau chaude de la baignoire. Chat échaudé craint l’eau chaude, même s’il n’est pas échaudé. Malgré ses miaulements de désespoir, ses coups de griffe rageurs, on le mouille, savonne, frotte, rince, brosse et il se retrouve confus, furieux et parfumé à la rose. Eh oui, la rumeur dit que les animaux de compagnie peuvent véhiculer le virus, Madame Huant applique donc de saines mesures de précaution. Et son chat doit maintenant vivre confiné et porter un masque. Sinon, il prend un bain à chaque sortie et elle lui promet aussi un bon badigeonnage au gel hydro alcoolique.

Comment faire pour avoir un masque, ce produit de luxe introuvable ? Une cagoule de voyou, c’est pour la bande à Francis ; un masque de plongée, c’est réquisitionné pour les hôpitaux ; un bouclier, c’est réservé pour la police quand elle croise les gilets jaunes. A la télévision, un journaliste avisé a montré comment  un string peut remplacer un masque facial. Madame Huant a bien essayé de transformer une culotte petit-bateau, mais a abandonné quand un journaliste encore plus avisé a expliqué comment  ajuster des lanières sur un filtre à café ; il faut noter que la forme en bec de canard du filtre est un signe infaillible d’efficacité.

Et notre chat porte maintenant un masque, très gênant pour croquer les souris qui habitent dans la montagne de pâtes. Il a également très peur depuis qu’il a vu sa maîtresse fabriquer pour lui un gel infâme à partir de pastis et de gelée alimentaire. Ah, non ! Il ne se risquera plus à sortir. Sentir ensuite la rose au pastis, c’est au-dessus de ses forces.

Comme il s’ennuie, il passe son temps à faire de longues siestes, et à imaginer qu’il écrit des poésies :   une autre vie, un autre possible. Le vent lui a encore apporté de jolis vers. Penaud, il ne sait que répondre, aussi maladroit dans l’écriture poétique que dans l’analyse de ses sentiments. Il voudrait bien revoir cette petite Hulotte, mais le virus les sépare, comme Roméo et Juliette, enfin, n’exagérons pas quand même , les parents ont l’air d’accord cette fois-ci. Il a d’ailleurs aussi d’autres rêves bien plus prosaïques : déguster un ortolan, ou un merle à défaut de grive, ou encore une de ces linottes à la tête bien vide, mais à la saveur incomparable, car les souris, à force de manger des pâtes, sont aussi farineuses que les mites.

Écrit par Gudule

Suite => Épisode 15

COMMENTAIRES ICI

Sans réponse, Hulotte réfléchit. Comment son idole aura-t-il perçu cette poésie, car il l’a reçue télépathiquement en ces temps de restrictions, elle en est convaincue.

Lui, le mystérieux, le pudique, l’intellectuel sûrement, sera-t-il touché, intéressé, séduit ou bien fera-t-il fi de tout ce qu’il pourrait considérer comme un étalage insignifiant, grotesque?.

Depuis deux jours et deux nuits elle ne dort pas. Monsieur et Madame Granduc ont remarqué son changement d’humeur. Elle est maussade, n’a plus d’appétit, ne voit plus la mouche qui la défie, ne regarde même plus la rue, son passe-temps favori.Elle est devenue indifférente à leurs caresses et les évite de plus en plus souvent.

Quelle solitude! Car, pendant tout ce temps, elle cogite inlassablement. Que faire??

Ce poème l’a, c’est certain, désopilé et elle se sent tellement petite, tellement médiocre, tellement piètre…Elle y a pourtant mis toute son envie, tout son désir, toute sa ferveur, toute sa passion.

Elle ne voit donc qu’une solution : en réécrire un, plus fort, plus proche de ce dont il peut rêver. Elle ira feuilleter dans la bibliothèque de ses maîtres. Elle est sûre d’y trouver des livres concernant les chats et notamment les matous et leurs attentes amoureuses. L’espoir revient avec une certaine appréhension malgré tout.

C’est la nuit, quand les ronflements se répondent, qu’elle entreprend ses recherches. Au plus bas des piles, elle croise le regard d’un superbe chartreux annonçant « Contes et légendes sur les chats ». Quelle chance! Elle n’aura pas à escalader toutes les étagères et évitera ainsi  des questionnements en cas de maladresse. 

Elle se plonge alors avec volupté dans la lecture et, parmi toutes ces légendes qu’elle dévore, il en est une qui retient particulièrement son attention et qui lui inspire une nouvelle poésie.

Avec retenue mais ferveur, et avec un tel espoir de rétablir un équilibre elle lui dédiera, sous ce titre:

Sonnet pour un chat

Je ne sais ni ta voix, ni ne connais ton nom.
J’ai vu ton poil soyeux, ta robe protectrice,
Tes yeux démesurés dont la nuit est complice.
Ton sanctuaire est situé au creux de ta maison.

Pourtant, dans le royaume de la déesse Freya
Qui laisse guider son char par ses deux chats sublimes,
Ressentant pour chacun une fierté légitime,
J’y retrouve ton port, je te retrouve là.

J’ai vu que certains soirs, quand Séléné, là-haut
Allume le ciel sombre de son précieux flambeau,
Un attelage voisin, friand de crépuscule

L’accompagne, fidèle, et sans compétition
En regardant la terre avec admiration.
Je te prénomme alors, je t’appelle Fregull.

Écrit par Bambou

Suite => Épisode 14
 
COMMENTAIRES ICI

Le chat de Madame Huant ne dort toujours pas, le vent lui susurre une lumineuse poésie. Que c’est beau !  Envahi par une agréable chaleur, il pense alors avec une certaine douceur à cette petite hulotte rencontrée le jour même. Que c’est beau ! Il aimerait aussi être poète.

Tchatte,
Depuis que j’ai vu ta silhouette,
Je scrute au lointain tous les toits.
Je me penche à toutes nos fenêtres.
Comme un chien je suis aux abois.
Je prie, je soupire, je halète,
De ton absence je sens le poids.
Ton ombre, je l’épie, je la guette.
Je la suis, je suis en émoi.
Je t’aperçois, mon sang s’arrête.
Tu disparais, j’ai mal, je bois…
Dans ton cœur, une autre minette?
Dieu que la vie est dure parfois!
Mais j’ai tant de mots dans ma tête,
Je les ai réservés pour toi.
Viens, nous ferons une dînette
Pour le plaisir, pour toi, pour moi.
Je serai, oui, ta midinette.
Si tu veux, tu seras mon roi.
Mon Dieu que la vie est bête
Quand un et un font, qui sait, trois!?
Dimanche je vais à la grand’fête
Des souris, des mulots, des rats.
Je t’attendrai à la guinguette,
Et je vais te dire pourquoi.
Je rêve de partir en goguette
Dans tes pas, à tes pieds, à ton bras.
Minou, minou, que je regrette
Que tu ne me répondes pas!

Écrit par Bambou

Suite =>Épisode 13

COMMENTAIRES ICI

Et la nuit est tombée. On couvre le feu maintenant, et seuls déambulent encore dans les rues un chien perdu sans collier, le gang de l’herbe-aux-chats en quête d’un mauvais coup et le vent. Le hâle de mars fait le diable à quatre, emprunte les allées en sens interdit, tourbillonne autour des ronds-points, glisse sur les trottoirs, puis danse sur les toits, hurle dans les cheminées, emmêle les jeunes rameaux, fait grincer les sapins, puis il fait un tour et recommence.

Dans les maisons, pendant que les corps se détendent, les esprits ont le droit de jouer au passe-muraille. Bébert applaudit sa petite poule blanche qui vient de remporter le titre de miss Poule 2020. Maria parcourt les grandes forêts de l’Amérique de son enfance en admirant les singes qui volent de liane en liane.

Notre héros ne peut pas dormir. Il revit la sortie de l’après-midi, l’arrivée de Hulotte avec sa maîtresse, et la vision du chat Francis et de sa bande en arrière-plan. Vite, il a fallu cacher une certaine partie douloureuse de son corps à cette petite chatte dont Madame Granduc vante les qualités et surtout la culture tout au long de ses visites , et, encore plus vite, cacher à Minette et au gang la honte d’être tenu en laisse. Dissimulé sous sa maîtresse, il découvre cette charmante petite Hulotte, un peu trop mince à son gré, certainement trop bourgeoise, mais intéressante.

Il la voit soudain s’étirer langoureusement dans le soleil, onduler, vibrer de tout son corps et danser aussi lascivement que Salomé devant Hérode Antipas. Notre chat va-t-il perdre la tête comme Jean-Baptiste ? Non, en parfait séducteur, il a su cacher sa lubricité. Une demi-griffe et un regard énigmatique suggèrent cette puissance protectrice que les dames aiment tant ; la tête légèrement penchée et un petit bout de langue apparent évoquent cette fragilité et cette faiblesse qui éveillent immédiatement l’instinct maternel de la gente féminine. Et Hulotte est définitivement séduite.

Ils vont enfin se parler, encouragés par leurs deux maîtresses, quand arrive un agent, le mètre à la main. Quoi ? Quatre-vingt-quinze centimètres virgule cinq séparent les deux femmes au lieu du mètre réglementaire. Il sort son carnet à souche, puis se ravise, magnanime. Circulez ! Et nos deux dames se séparent dans un frisson de soulagement sans même se dire au revoir.

Écrit par Gudule

Suite=> Épisode 12

COMMENTAIRES ICI

Comme par enchantement, Hulotte adopte sans façon la laisse.

Et l’attelage, inhabituel dans notre ville, se met en route pour le parc, Madame Granduc ayant pris toutes les précautions (gants, masque) qui s’imposent.

Hulotte va devant, curieuse et pressée. Les grandes bâtisses, elle les a déjà vues sous divers angles dans ces promenades quotidiennes car c’est une voyageuse…

Peu de voitures, peu de monde, cela lui semble étrange. La police aurait-elle bloqué dans tout le pays les accès à certaines rues  pour piéger le voleur du tableau ?

Elle accélère le pas, suivie de l’œil vigilant de sa maîtresse qui tient bon la laisse.

Le parc est à une demi-heure de marche et elles arrivent à la grille…fermée. Le parc est fermé! Ce virus, sur lequel Hulotte s’est méprise est bien le maître du monde!

Madame Granduc, déçue, hésite. Faire demi-tour après tant de prise de risques et la satisfaction évidente de sa chatte! Elle décide de pousser la balade un peu plus loin jusqu’à une aire de verdure accessible. Là, elle s’assiéra un moment. Quelques mètres encore et  » Oh, surprise! « . Assise sur un banc avec son chat sur les genoux, Madame Huant…Elles ont à peine eu le temps de se saluer que le chat a sauté à terre et s’est réfugié entre les jambes de sa maîtresse. Hulotte a juste eu le temps d’entrevoir un regard énigmatique et une superbe fourrure et ce peu de temps a suffi à calmer toutes ses inquiétudes. Tandis que le chat, toujours tapi, regarde par cette fenêtre improvisée, elle tente d’attirer son attention.

Écrit par Bambou

Suite => Épisode 11
 
COMMENTAIRES ICI

Ce matin, au réveil de sa maîtresse, Hulotte se met à miauler, à se rouler à ses pieds, à minauder, à s’accrocher aux rideaux du salon, à gratter à la porte.

Madame Granduc écarquille les yeux. Qu’arrive-t-il à sa chatte si placide d’habitude? Elle lui ouvre la porte du dehors la sommant, d’un geste impérieux et agacé, de filer prendre l’air.

Mais Hulotte en a décidé autrement. Non seulement elle continue son manège, mais elle saute sur la table où Monsieur Granduc a disposé le petit déjeuner, renversant le lait sur la belle nappe brodée.

Madame Granduc se retient pour ne pas lui envoyer un bol d’eau sur le poil.

En ces circonstances, la pédagogie s’impose, pas d’épreuve de force! Madame Granduc agite la souris préférée mais Hulotte lui tourne le dos, méprisante. C’est alors que Monsieur Granduc intervient tendant une main bienveillante pour une caresse apaisante . Hulotte lui répond par un coup de griffe magistrale qui le laisse pantois.

Qu’envisager? Voir un psy? Ce n’est pas le moment. Prendre la voiture et faire un tour à la campagne, ce n’est pas le moment.

Alors, plus simplement, pourquoi ne pas sortir avec elle tenue en laisse, l’attestation de déplacement autorisant la sortie des animaux? L’emmener jusqu’au parc voisin situé à mi-chemin entre les appartements des deux amies! Ce regain d’intérêt pour elle la calmerait sans doute!

Écrit par Bambou

Suite => Épisode 10

COMMENTAIRES ICI

 

Attention les fans du Chat de Madame Huant ! Il y a du nouveau : Gudule prête sa plume à Bambou, et Hulotte, une chatte rêveuse et cultivée, entre en scène. Il y a de la romance dans l’air !

Le chat, de retour à la maison, est étonné que Madame Huant lui ouvre grand sa porte et ses bras. Elle a oublié les dernières bêtises, c’est merveilleux. Mais non, elle veut sortir, et c’est impossible sans son chat en raison de la nouvelle réglementation. C’est vrai, il reste la mite. Mais, vous le savez, c’est trop petit et trop farineux pour être relié à une laisse. Le retour du chat est une véritable bénédiction. Elle rayonne de bonheur.

Et, pendant qu’elle s’affaire dans le placard pour trouver collier et laisse, notre chat vit aussi un moment de félicité. Son ouïe parfaite a bien compris, lui qui sait parfaitement reconnaître le pas  discret de Dame souris si tendre sous la dent, la démarche légèrement plus lourde de son compagnon, plus coriace certes, mais aussi plus goûteux… Et il peut les compter , les souris sont là, en grand nombre.

Pendant ce temps, là-bas, quelque part, un peu plus loin ou un peu plus près s’anime un autre chat, un autre être de « papier ».

 Bambou, tu le connais bien, Je te prête la plume avec plaisir.

Écrit par Gudule

Hulotte, la chatte de Madame Granduc, grande amie de Madame Huant, est très triste. Elle pense à ce chat qui a pris tant de risques pour le plus grand bonheur de sa maîtresse, Madame Huant. Les réseaux sociaux en font grand cas et considèrent cet événement comme un exploit : s’introduire au Louvre en chat botté et décrocher la Joconde pour en faire cadeau à sa maîtresse! De surcroît, Madame Granduc parle de ce matou avec une telle admiration dans la voix quand elle revient de prendre son thé : un minou au poil fourni extrêmement doux, une robe digne des plus hautes lignées félines, un regard mystérieux, une discrétion enjôleuse, un miaulement envoûtant. Hulotte en a des sueurs…

Oui, elle est vraiment triste et inquiète. Que devient-il? Car, depuis quelque temps, plus de visites, plus de thé, plus de nouvelles… Elle s’interroge. Ses maîtres écoutent la radio, la télé plus que de coutume et elle reconnaît certains sons « coro »…Corot, le peintre? Aurait-il cette fois subtilisé « Femme à la perle »? Et aurait-il été emprisonné, maltraité peut-être? Elle est malheureuse et naît alors dans sa tête une pressante envie d’agir.

Écrit par Bambou

Suite => Épisode 9

COMMENTAIRES ICI